samedi 3 mai 2008

Organisation du travail (par Thierry)

Je peux surtout parler de l'organisation dans mon labo, mais j'ai l'impression que c'est partout pareil. Il faut savoir que ici le salaire minimum dépend de l'Etat et du secteur d'industrie (il n'y en a meme pas dans l'industrie de la chaussure, va savoir pourquoi), mais que globalement, ça tourne autour de 25-30 euros par mois.

En revanche, vu les belles voitures et les voyages que se permettent les gens aisés, les cadres doivent bien mieux gagner leur vie. D'où un fort ratio employés/cadres. Dans mon institut, c'est très sensible : il y a beaucoup de vigiles, qui dorment pendant leur garde de nuit, pas mal de gens à la cantine, pas mal d'étudiants, et par contre très peu de professeurs. Le ratio étudiant/tuteur est de 1 pour 10 ou 15. On a meme vu un mec surveiller une bétonneuse, parce que, comme mentionné plus haut, le travail des modestes coute peu, mais aussi parce que le matériel coute cher. C'est le cas d'une betonneuse, et encore plus le cas d'un laser, car ils sont tous fabriqués en Allemagne. Un laser coute plus cher ici qu'en Europe, et le travail beaucoup moins : c'est pour ça que depuis que je suis là on s'escrime tous à en fabriquer, mais il faut quand meme acheter des composants pas gratuits. Autre surprise pour un Européen : dans mon labo, il n'y a pas de spectromètre, passe encore ça coute cher, mais il n'y a pas non plus de Générateur Basse Fréquence, ce sont les électroniciens qui les fabriquent, et du coup on ne peut pas bien régler la fréquence. Au moins j'apprends la débrouille, c'est toujours ça.

Et ce qui va avec la pénurie de cadres est la forte hiérarchisation des rapports sociaux. Sans parler de caste ou de religion, il y a des labos où les professeurs se font apporter de l'eau par des employés, qu'on appelle Saddam à cause à de leur toujours fière et virile moustache. Dans les restaurants, les serveurs sont nombreux, et vont jusque nous remplir le verre dès qu'on l'a fini, au lieu d'apporter des cruches, ou nous resservir du plat qui est pourtant juste devant nous. Ca se voit que les modestes ont peur des puissants, et aussi ce doit etre ce que la société leur a appris, sans qu'ils se posent de questions (on en est au 40ème anniversaire de Mai 68). Vous pouvez imaginer en combien ils se plient pour des Blancs comme nous, qui sommes, dans leurs tetes, les chefs des chefs. C'est parfois un peu pénible, mais ce n'est pas nous qui arriveront à changer les idées reçues, on peut et doit juste se contenter de leur dire bonjour le plus gentiment possible, et les rassurer.

Meme au sein du labo, les thésards ont peur des profs, et ça parait justifié : plusieurs personnes nous ont confirmé qu'un étudiant peu apprécié de son tuteur n'a obtenu son doctorat qu'au bout de 14 ans, alors qu'un autre a abandonné après 10 ans de thèse.

Aucun commentaire: